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Discours du président Charles Michel lors de l'hommage européen à Valéry Giscard d’Estaing

L’Union européenne est le fruit d’efforts inlassables, menés par des femmes et des hommes déterminés, à la poursuite d’un idéal: le rêve européen évoqué il y a quelques instants. Le rêve et l’idéal d’une Europe unie, pacifiée et prospère. Le rêve européen d’une Europe qui promeut avec force ses valeurs fondamentales: la dignité personnelle de chaque être humain, la liberté, la démocratie, l’État de droit.

Ces femmes et ces hommes courageux ont été tour à tour des architectes, des visionnaires souvent, pragmatiques toujours.

Le président Valéry Giscard d’Estaing fut l’un de ces bâtisseurs engagés pour ce projet européen qui nous rassemble. Un président jeune et entreprenant qui a montré que la valeur n’attend pas le nombre des années.

Il est frappant aujourd’hui pour notre génération de constater combien les lignes de crête de son action dessinent les défis d’aujourd’hui et inspirent notre génération pour les relever: renforcer le leadership européen, intensifier la coopération internationale, faire progresser la démocratie et l’État de droit, et faire confiance à la science et l’innovation.

L’Europe: Valéry Giscard d’Estaing l’a voulue ambitieuse, forte, solide, confiante dans son avenir. L’Europe, il l’a voulue dotée d’institutions susceptibles de donner l’impulsion politique nécessaire, utile, et d’affirmer son rôle sur la scène internationale. C’est ainsi qu’il a contribué de manière active à renforcer les institutions européennes qui incarnent, on le voit aujourd’hui encore, cette double légitimité démocratique: celle des États membres, celle du Parlement européen. On l’a vu il y a quelques instants dans ces images fortes, historiques, lorsqu’il déclare en décembre 1974, à l’issue d’un Sommet européen à Paris: “Les Sommets sont morts, vive le Conseil européen !“. Il donne ainsi naissance à cette institution, que j’ai l’honneur aujourd’hui de représenter.

Depuis lors, les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis bien plus que trois fois par an, et ont joué et jouent un rôle central dans chacune des grandes évolutions et des grandes transformations de ce projet européen, dans les impulsions politiques qui lui sont données.

Comme président de la Convention une vingtaine d’années plus tard, c’est en promouvant l’inscription du Conseil européen dans les traités qu’il a aussi contribué à renforcer cette institution.

Puis, promoteur obstiné de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct à partir de 1979, il donne corps et vigueur à cette légitimité démocratique européenne.

Et c’est au travers de cette double légitimité que se construit jour après jour l’unité européenne.

Valéry Giscard d’Estaing a probablement aussi été l’un des premiers à ressentir et à comprendre l’importance de la monnaie pour ce que nous appelons aujourd’hui l’autonomie ou la souveraineté stratégique européenne.

Cet instinct qu’il a eu alors comme jeune ministre des finances du président Charles de Gaulle a été le socle sur lequel il a développé la coopération monétaire en Europe lorsqu’il fut lui-même président.

Son action a finalement conduit à la création notre monnaie, l’euro, qui constitue aujourd’hui un atout stratégique majeur pour l’Union européenne. À nous, je le crois, maintenant, de lui donner sa pleine dimension internationale.

L’action du président Valéry Giscard d’Estaing ne s’est pas limitée à l’Europe et à l’Union européenne. C’est à lui que nous devons également la création du G7, dont la première réunion s’est tenue au château de Rambouillet en novembre 1975.

Et plus de quarante-cinq ans plus tard, le G7 – et son cousin le G20 – sont toujours des forums mondiaux essentiels. Comme on l’a encore constaté il y a quelques semaines à Rome, lors de la réunion du G20 où l’Union européenne s’est pleinement mobilisée pour convaincre et affirmer une ambition globale.

Valéry Giscard d’Estaing a contribué à transformer la démocratie européenne. Il a aussi fait progresser la démocratie française: en abaissant la majorité à 18 ans, en réalisant des avancées majeures pour les droits des femmes, la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine, le remboursement de la pilule contraceptive, le divorce par consentement mutuel; et bien sûr la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, portée par cette grande dame, cette grande Européenne, Simone Veil, qui a marqué cette assemblée de son empreinte indélébile.

Aujourd’hui encore, la cause des femmes et l’égalité des genres est un combat qui nous oblige, nous, au niveau européen. Je pense par exemple à cette bataille que nous devons continuer à mener pour l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes, ou encore à la directive pour un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Enfin, nous devons, je le crois aussi, être mobilisés sur le plan international pour mieux protéger les femmes dans les conflits armés. Cet engagement pour l’égalité, le président Giscard d’Estaing l’avait parfaitement compris, parce qu’il savait qu’une société n’est pas totalement démocratique tant que les droits des femmes ne sont pas égaux aux droits des hommes, dans la loi, mais aussi dans la réalité.

Enfin, et je conclus par cela, un trait de la personnalité de Valéry Giscard d’Estaing résonne fortement aujourd’hui. Je veux parler ici de son esprit scientifique. Un esprit qui tient à sa formation de polytechnicien, probablement, et qui, très certainement, a influencé son action comme président de la République, et son action au service du projet européen. Sa présidence a été marquée par de grandes épopées industrielles – Ariane, le Concorde, Airbus, le TGV – qui ont vu la France faire un bond en avant dans cette modernité technologique.

Je le crois, nous devons nous inspirer de cette ambition. Faire confiance à la science et à l’innovation, à l’heure où nous nous engageons pour tenter de renforcer l’influence stratégique de l’Union européenne dans le monde, notamment sur le plan technologique et sur le plan industriel.

Restons fidèles à cet esprit scientifique; à la raison, qui est l’un des principaux héritages européens. C’est cet esprit scientifique, cette confiance dans la raison, qui nous permettent d’innover sans cesse et par exemple de développer des technologies vaccinales quand nous sommes confrontés à cette pandémie qui frappe le monde.

C’est aussi cet esprit scientifique et cette confiance dans la science et la raison, cette ambition, qui doivent nous inspirer pour relever cet extraordinaire défi existentiel, cette aventure hors norme que représente la double transition climatique et digitale.

Dans ses Mémoires, Jean Monnet écrit que si “rien n’est durable sans les institutions“, “rien n’est possible sans les hommes”. L’amitié qui a lié Valéry Giscard d’Estaing au chancelier Helmut Schmidt a incarné cette affirmation.

Et aucune des grandes avancées dont nous venons de parler n’eût été possible sans cette amitié,  sans cette confiance, sans ce couple qui a rejoint dans l’histoire ceux que formèrent Charles De Gaulle et Konrad Adenauer, puis François Mitterrand et Helmut Kohl. Un couple dont nous savons – Monsieur le président français, Monsieur le président allemand, et je pense aussi ici à Angela Merkel – combien il est essentiel pour faire avancer notre projet européen et combien il le sera encore à l’avenir, à l’heure où un nouveau gouvernement entre en fonction en Allemagne.

Parce que ce projet européen est aussi une aventure humaine, où l’alchimie des relations personnelles permet parfois, je le crois, de déplacer des montagnes et de rendre possible ce qui était impossible quelques mois plus tôt.

Le président Giscard d’Estaing était un homme pudique; son épouse – chère Madame – le sait mieux que quiconque.

Et l’hommage que nous lui rendons aujourd’hui, nous le devons à un homme d’action. Une action pour une Europe forte, unie et démocratique; une action pour une coopération internationale efficace, une action pour une société libre, moderne, qui garantit à chacune et chacun d’accéder à toutes les chances pour réaliser ses rêves et ses défis personnels, une action guidée par la foi en la raison et l’ambition du progrès.

Et le plus bel hommage que nous puissions lui rendre, inspirés par le souffle de son action, c’est d’agir  au service de ce projet de dignité, de progrès, de solidarité qu’est l’Union européenne.

À nous maintenant, tous ensemble, d’y être fidèles, de poursuivre l’action, de bâtir ce projet européen sans relâche. Je vous remercie.

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